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Les années fastes de l’horlogerie suisse pourraient bien être derrière nous : si la valeur des exportations a plus que doublé entre 2000 et 2019, le nombre de pièces vendues, lui, a reculé d’environ un tiers. L’année 2020 s’est avérée particulièrement difficile pour l’horlogerie suisse dont les ventes se sont effondrées entre mars et mai pour rebondir en Chine dès le mois de juin. La pandémie mondiale du COVID-19 a obligé maints acteurs de la profession horlogère à se réinventer, voire à développer en urgence des boutiques en ligne pour partiellement compenser la fermeture de nombreux points de vente dans les centres urbains et les aéroports. Les salons horlogers sont devenus digitaux par l’impossibilité de réunions physiques, sauf pour quelques petites manifestations à caractère privé. Le salon « Watches and Wonders » (anciennement SIHH) a eu lieu virtuellement en avril 2020 et le salon Baselworld devrait renaître sous un nouveau nom et une nouvelle formule en 2021. Suite à l’annulation des grands salons genevois et bâlois, la seule manifestation horlogère à se tenir fin août 2020 est « Geneva Watch Days », créé à l’instigation de Bulgari avec neuf partenaires fondateurs et sept marques associées, de manière décentralisée dans différents hôtels et boutiques. La distribution horlogère traditionnelle, via ses filiales, agents, grossistes et détaillants, offre généralement au client une bonne expérience. Cependant, pour les marques, elle est vorace en marge, dont les 65 % environ sont alloués aux intermédiaires permettant de rémunérer les trois piliers de la vente : le lieu (le magasin), le service (les employés) et le stock (l’immobilisation financière) qui procurent l’expérience client. Depuis plusieurs années, l’avènement d’internet a incité de nombreuses marques à exploiter un nouveau canal, la vente en ligne, qui est relativement simple à mettre en œuvre avec une plateforme digitale pour se connecter avec leurs clients finaux et supprimer les intermédiaires. L’avantage principal est de rapatrier d’importantes marges, d’améliorer le cash-flow et de développer une meilleure connaissance du profil des acheteurs finaux, le fameux sell-out. En revanche, si cette digitalisation de la distribution, constituée par des e-shops et des plateformes de e-commerce, est très intéressante en matière de marge pour le producteur, elle est bien plus pauvre en termes d’expérience client. Actuellement, les deux canaux de distribution physique et digitale coexistent en parallèle pour de nombreuses marques sur certains territoires, mais ils peuvent créer un court-circuit s’ils se croisent. En effet, une marque active dans la distribution traditionnelle peut difficilement mettre en concurrence ses partenaires historiques avec son propre réseau de vente en ligne, à moins d’impliquer et d’intéresser financièrement ce dernier en lui attribuant des rétro-commissions. De même, les pure players en ligne n’ont souvent pas suffisamment de notoriété ni de marge pour pouvoir basculer vers la distribution traditionnelle, dont les vitrines et les stocks sont déjà bien remplis par les marques historiques. Le défi actuel, pour les marques traditionnelles comme pour les start-up, est de tirer parti du meilleur de ces deux mondes, c’est-à-dire de récupérer une bonne partie de la marge tout en garantissant au client une expérience de qualité, conciliant en quelque sorte le physique et le digital dans une nouvelle approche appelée « phygitale ». Il s’agit donc d’élaborer un bon cocktail entre le service additionnel et l’avantage financier pour le client final, d’une part, la marge de la marque et l’implication des intermédiaires, d’autre part.

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